Photographier, c’est rentrer en contact, en connivence avec les objets, les lumières, les matières, le monde des apparences.
Dans ce jeu qui implique une duplicité, regardeur-regardé, je me suis approprié un mode léger et ludique qui désacralise l’usage d’un médium astreint à une technicité encombrante, « trop lourde à porter ».
L’usage d’appareils jetables et autres appareils jouets en plastique révèlent donc un parti pris déterminé, identique à celui de l’artisan qui choisit l’outil le mieux adapté à sa main, réalisant ainsi un binôme performant à la hauteur du travail à accomplir.
En qualité d’artiste, j’ai pris aussi le soin de choisir un outil qui me ressemble et parfaitement en adéquation avec ma vision du monde.
Légèreté et sens de l’improvisation, prise de risques et confidentialité sont des valeurs auxquelles je me suis petit à petit attaché.
Les sens en éveil, il s’agit pour moi d’être présent au monde et attentif aux évènements à venir.
Qu’il s’agisse de la fulgurance d’un instant de grâce ou d’un moment qui m’invite au relâchement quasi contemplatif de ma concentration, appuyer sur le déclencheur du boîtier de photographie marque à cet instant là l’enregistrement d’une attitude vis-à-vis du réel.
L’identification à la photographie amateur, celle d’être pris au fond pour un touriste, me permet un rapport décomplexé vis-à-vis des sujets que je peux traiter et une parfaite immersion dans le tissus humain.
Dans les chambres d’hôtels minables, sous un amas de couvertures, j’ai appris à recharger ces appareils de fortune et à m’attacher à ces pratiques de bricolage comme à un rituel magique.
Il se peut aussi qu’au fond il s’agisse d’un vrai choix philosophique d’un photographe qui sans renoncer à sa pratique artistique veut s’inscrire en douceur dans certains groupes humains sans choquer ceux ci par des manières ostentatoires et un déballage technique inconvenant.
